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" CHINOIS DE TES CHEVEUX".de Clara VINCENT,



Le titre , comme celui du premier recueil "Palefrenier de ton cheval",
de 1993, paru aux éditions La Bruyère, indique le lien amoureux, la relation de dépendance quasiment religieuse de l'amant à l'aimée, le sujet et l'objet du poème, l'amour.
Les textes expriment d'abord un mal de vivre patent, une violence
latente trop longtemps contenue et libérée, qu'illustrent un passé d' HLM de son enfance, "HLM de malheur", "le béton de mes premiers pas", "la grisaille sordide", "la rage inouïe et incommensurable", les êtres abandonnés "Nous, de la Rue pavée/ Si dure/ Si dure!!!" Le monde adulte, la société ne sont d'aucun secours. Ils sont perçus comme sans passion ni ambition, drogués par les médias, encadrés, planifiés, payés, morts ! -Clara VINCENT ? Elle se présente démunie, avec l'étiquette d' "un asocial hagard" qui n'a que le Seigneur et l'être aimée vers qui se tourner. Un passé vomi, "à gerber", un présent à fracturer, il faut croire à demain, au Futur, lui faire face, en bravant la Lumière. L'amour tant attendu est appelé à la rescousse. Il s'offre comme une grâce . Seul l'amour-passion peut faire contrepoids à la marginalisation, la mise au. ban - ou ressentie comme telle - par la société". Mon femme ... Ma résurrection". L'amour délivre une âme comme la sienne plongée dans le désarroi, redonnant un sens à sa vie. Le poète, une femme, est sauvée du cul-de-basse fosse où la société l'avait condamnée, réduite, en tant que "paumé(e) génétique" et minoritaire, par l' "Amour total tout entier", le don de soi, tremplin et issue inespérés vers la rédemption, le chemin qui mène"..jusqu'à Toi", accès à une autre Lumière. Et c'est l'incantation à cette passion humaine, cette autre femme, "La femme que j'aime/Est aussi beau/Que le mot éternité"... "Un jour/Toujours la Lumière/Nous nous aimerons sans limites/Dans un monde/Enfin libéré/De toutes ténèbres assassines". C'est beau, mieux, C'est vécu, crié. Amour humaine trop humaine. " Ton corps...un pays/Un continent ma patrie". "Ici et maintenant" ... On pense au désir impérieux de vivre des révoltés: blacks, homos, drogués, déshérites de tous bords, tous ceux qui ont la haine, la rage de se réapproprier la Vie. Non pas demain mais maintenant, non pas maintenant mais tout de suite! La vie est ce "vase d'argile"(image de la liturgie mariale)" qui nous bâtit ... Du noir de cette solitude ... c'est la vie dedans qui crie". Vie qui est un appel à s'éclater dans "la Lumière/De nos Espoirs fraternels". Vie affirmée contre préjugés et résignation, violence de l'amour qui assoiffe et qui sauve.
Beauté des femmes... de "la mienne","Que le féminin est pénétrant !"
Audace voulue du verbe, force farouche d'un cri qui est autant un appel qu'une souffrance surmontée, une joie libérée. Un appel et un aveu. Clara VINCENT utilise les mots simples de la vie quotidienne, de la rue, émaillés de cris-décrochages, singuliers par le mélange des genres ( adjectif ou adverbe au masculin quand on attend le féminin) et le foudroiement de la vérité assénée. Clara VINCENT dérange, sidère. On n'écrit pas impunément, "Mon femme à moi/Elle est beau"! sans laisser de traces. Mots simples et vrais jusqu'à l'impudeur, la crudité. "Tout en pleine gueule"! Mais aussi, "Esclave de l'amour qui dans toi me rassure". Car tout chez Clara est affirmation de la Vie."Halte à la mort/Shit shoot et crack"."C'est avec l'amour en rage/Au- dedans que rien ne m'arrêtera". On pense à la violence de paroles de la chanson rock ou rap, sublimée par la poésie. S'il le faut, "Pour jouer au rasta", ou " si tu veux de moi/Des écrits de poésie", les mots pour le dire sont vrais, le poème touche à la beauté par la fulgurance.
Amour-rachat, amour catharsis jusqu'à "l'extrême du Don". Le poète se
fera "Terroriste des sentiments d'amour". "jusqu'au martyre", pour blanchir les rebellions des humiliés "de leurs coeurs en sang". Même au coeur de la folie du monde, il y a "un filon de Vie". "et l'Amour Immense/Qui est notre Dedans/Et il y a toi/Que j'aime QUE J'AIME..." Le poème éclate, le mot se fait pulsion, désir, JOIE, si tant est que l'amour comme l'Amour est VIE.
Ceci est rendu possible parce que l'amour est quelque chose de grave et
rare." Tout est sens, souffrance ou extase". Certains textes ont l'humble beauté des lettres de la Religieuse Portugaise "Que dire de la jouissance exquise ... Quand l'autre acquiesçant ... Se reconnaît être esclave d'amour..." Après le cri, l'angoisse, le calme retrouvé, la prière d'amour mille fois prononcée "Je t'aime/Beau comme belle/Mon femme à moi tout lumineuse au matin". Ce masculin surprend comme surprend le substantif au féminin "auteure" ou "écrivaine", utilisé de nos jours par les femmes de lettres francophones qui affirment là leur neuve volonté, comme Clara affirme sa réalité, son droit d'exister. La foi qui éclaire les textes de Clara VINCENT et la cheville à la Vie relève du christianisme primitif et éternel. Elle s'adresse au Dieu qui s'est fait homme,"Mendiant d'amour", dont l'Amour "m'est une souffrance", parce qu'il a "été crucifié avant (toi)" et qu'il en "Quand un en souffre, en crève, "Quand un prostitué saigne de malheur". Les paroles, les images du poème ont soif de charité, de justice et d'amour. Authentique et mystique l'écriture chez Clara VINCENT se fait rédemptrice.