UN VOYAGE SANS NOM







poèmes







1976 (toujours pas édité)






Grenoble, France


L'AUTRE

Dans la pâte noire
De ces nuits de cauchemars
Je ne pouvais croire
À l'horreur des sanglots d'hiver
Toi à mes côtés
Frissonnais d'angoisse

Dans le noir sublime
Qui habille d'étrange
Le passant fourvoyé
Tu voyais des méduses
Où dormaient des Nymphes

Dans le noir tragique
Où gisait l'inconnu
J'ai ri des formes majestueuses
Je t'ai vu hurler
À Satan ensanglanté

Mais qui donc es-tu homme prude
Pour haïr à ce point le sublime
Qui donc es-tu homme fou
Pour voir le sang où vit l'amour
Où donc trouves-tu cette folie
Qui te fait trembler devant l'amour
Qui te fait hurler devant les formes
Qui te fait pleurer dans son ennui

Homme poète pourquoi combats-tu dans l'amour
Homme misérable
Tu n'as rien tu n'es plus rien
Tu n'as jamais su jouir
Pour sauver à temps ton Spleen


RYTHME

Je croyais t'avoir perdu à jamais
Je pensais pouvoir pleurer à t'aimer
Le soleil dévisageait la pâleur
De l'amour enlisé là le hâleur
L'avait abandonné là par peur

Sur les quais pataugeant dans la boue
J'ai versé le mélange âpre amer
Du douaire me restant encore mou
De la pâte qui glissait à la mer
J'étais bien enfermée dans la plaie
Du vestige amoureux du passé
De ruines je ne veux m'enlasser

Je croyais t'avoir perdu à jamais
Je pensais pouvoir pleurer à t'aimer

Sur les quais immergés de détresse
Je coulais de mes larmes étuvées
Le poignard dans âme maîtresse
Travaillait le remords retrouvé
Mes amants délaissés par caprices
Avaient-ils parcouru le lis
Que l'on marque sur l'épaule encore lisse

Je croyais en l'espoir d'un doublon
Qui t'avait fait redire Le houblon
Vit en moi et par toi alors boit
Sans espoir et ce canal qui se noie
Torturée cette brume qui m'estompe
Qui t'avait fait redire Le houblon
Vit en moi et par toi alors boit

Les quaies noirs s'empataient de nuit grise
J'étais vide en dedans de mes larmes
Je sentais la méiduse aux surprises
Infernales m'enpaler de son arme.
AH ! l'horreur des sanglots qui saignent...!
J'étais plaie et qu'en eux je me baigne
POUR apprendre à jamais que je l'aime


Et qu'en eux je me baigne
POUR apprendre à jamais que je l'aime


Les quaies rouges oscellés resplendissent
l'aurore tiède et suave émerveille
Les soleils de mes nuits qui palissent
Féeriques visions qui m'éveillent
Je te vois, Mon amour de très loin
Revenir, et tes bras de tes poings
Me font signes, et en toi je me joins

Je frémis, sous ta main qui m'agite
Couchée nue, sur ces berges évadées
Et ton corps me pénétre en mon gite
Je respire à la brume retardée

Par le beau et le grand Idéal
Tu me reviens,
TOI que j'aime
Tu me retiens
Toi qui m'aime



VOYAGE SANS NOM

Une voix m'enveloppe

De richesses et de pierres

Une voix s'élève

Dans l'univers de mes rêves
Un rythme m'empoigne
Et résonne dans mes os
Et je me sens m'élever
Au niveau des octaves
Qui se déchaînent
Tout là-haut bien plus haut
Encore plus haut
Dans l'immensité
Sans dimensions
Où culbute une énergie
Inconcevable par l'homme
Je me sens horizontale
Tirée par un fil lombaire
Je pars sereine
Et envoûtée
Vers des couleurs
Étranges des fleurs du Népal
Je replonge parfois
Dans le fade brouillard
Du quotidien
J'arpente l'asphalte
De la grisaille silencieuse
Mais je souris
Car au moins je sais
Que la voix est là
Et va revenir
Pour gémir encore en mon corps
Où mon corps sera en elle
Elle est là
Et je m'enfonce dans un voyage sans nom...
CITÉ FOURMILLANTE

Je vois parfois l'horreur
Errer parmi les passants
Sans qu'aucun d'eux ne s'en retourne
Je côtoie souvent les déesses grecques
Fourvoyées aux carrefours des HLM
Je m'attarde aussi aux gisants des tombes
Vides qui n'ont encore trouvé le sommeil

Je marche sur des trottoirs de marbre
Sans que les hommes ne semblent le percevoir
Je m'achoppe à d'énormes fleurs
Jaillissant subitement de terre

La pluie est parfois d'or aux odeurs d'encens
Les piétons illuminés ne se voient pas
Les cathédrales résonnent un tonnerre
D'Enfer qui parle comme l'amour

Des monstres historiques me bloquent la rue
Et les braves gens passent au travers
Des immeubles coulent leur béton
Et statufient à jamais l'adolescent

Je mange avec des rois qui se racontent
Et les hôteliers ne servent qu'un plat
Je caresse amoureusement les cordes nues de ma guitare
Pour les jeunes éphèbes miroitant sous mes yeux

Toutes ces créatures méduses ou sublimes
M'effraient ou me font vivre du corps
La cité fourmille de tels êtres
Mais les encore-mortels ne voient rien
OCTOBRE

Une journée d'octobre
Comme jamais je n'en ai vécu
Plus d'angoisse ni de mélancolie
Finie l'oisiveté désespérée
La haine contre mes désirs inassouvis
Pour cause morale
D'automne
La sérénité parle un langage
Étonnant et inconnu
Le calme de la pluie
Baise mes lèvres
Du plus exquis des baisers
La pluie me caresse
Le printemps des peuples
Arrivera à son heure
Je t'aime
J'aime mon idéal de beauté
Je sais qu'il se rapproche
Inexorablement de mon corps
Car de l'esprit je l'ai perçu
Tremplin vers un voyage sublime
J'aime l'amitié qui de partout
M'entoure et j'évolue parmi elle
Coupole d'univers chaleureux
Sincère et exquis
Une coupole voluptueuse
L'éphémère alors fuit
Seuls le sont la vilité et l'esclavage
J'aime
Je frémis au moindre contact
D'avec le beau
Un tableau, une ville fascinante
Une révolution victorieuse
Une fusion de l'eau et du feu
Une main près de moi
Une présence sublime
J'aime
COMPLÉTUDE

Bonheur inouï des amants qui se révèlent
Les regards qui s'affolent aux corps qui s'emmêlent
Je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime

Le regard qui s'égare aux boulevards
Face aux traces du vide blanc et froid
Le corps qui s'endort aux corridors
Des dédales des salles des humains
Et un regard qui cherche et s'évade hagard
Glacé blasé dans l'abîme qui se broie
Et un corps sans effort qui force la mort
Des suppliciés pliés et brisés de leurs mains
Les regards qui s'évadent et s'aiment
Dans l'univers superbe du beau certain
Sous les ciels des soleils qui s'éveillent
Les corps qui se frôlent et s'aiment
Dans la vie divine sublime destin
Des tropiques des missiles du miel des abeilles
Donne-toi
L'aveu des âmes qui s'aiment
Et peine de Dieu
Dont ses serviteurs
Refusent la suprême création
D'où pourtant
naît le bonheur
naît la justice
naît la vérité



CIRCONVOLUTIONS

Deux corps nus s'effleurent et s'admirent
Les cheveux blonds s'enchevêtrent aux longs
Cheveux noirs dans la douce obscurité
Les deux corps nus frémissent et s'attirent
Et l'éphémère s'envole sonner le gong
De l'Orient dans la douce obscurité
S'évade le pavot ornemental
Les amants semblables au grand flot des marais
Se calment et s'enlacent aux continents amarrés
Le malheur enlise l'état mental
Comme le hachisch les sens
Et l'esprit sublimé s'enivre d'encens

Des millions de corps se jettent dans l'émeute
Les amants vaporeux s'élancent dans le temps
Retrouvé des lumières incendiées de la ville
Le peuple insoumis lutte à la meute
Des chiens déversés sur les pavés de sang
Pour protéger les trembleurs affolés qui pillent
L'éclair resplendissant des hommes humains
Brandit la lumière harmonieuse du matin
Les amants délaissés pour les combats
Courent et roulent sous les roues rouillées
Pour retomber dans leurs habits mouillés
Pour retomber dans leurs habits mouillés
Et regardent hagards la prison qui s'ébat





LETTRE

Le délire des visions frissonnantes
Vaporise les cieux éphémères
Et les Nymphes voilées hantent encore
Les caresses perdues et amères
Bercent la solitude languissante

Sur vos lits de misère je ne trouve
Celle qui au lointain s'est perdue
Et les mots qui ne s'achoppent aux humains
Transparence des temples romains
Et humains où je t'ai aperçue
Aphrodite des rêves qui approuvent

Les haillons des angoisses errantes
Ébauchent leur partance pour bien d'autres
Libre je suis pour servir dans mes rêves
S'effacer les détresses qui crèvent
L'Arc-en-ciel de mes pays te montre
Que l'amour te sublime en amante



POURQUOI ?

Leur monde
Que faisons-nous dans leur monde
Mais pourquoi
Pourquoi le soleil tue-t-il la nuit
Pourquoi l'aube n'a-t-elle pas sa place
Pourquoi le coucher se veut-il aurore
Pourquoi Oh pourquoi

Nous sortons juste d'une terrible et angoissante nuit
Pleines de pleurs solitaires
Et de rêves sur les oreillers

Nous jouissons de l'aube présente
Encore émerveillés du sublime insoupçonné
Ivres de beauté de justice et d'idéal

Nous regardons d'un oeil sévère
Le soleil éclater et prendre emprise
Il n'est pas très beau leur foyer ardent

Nous nous effrayons du coucher de lumière
Il nous fait terriblement peur
Car après vient l'obscur et sa faucille
Mais encore après la VIE




CRIS

Hurlement strident qui vole parmi les soleils de marbre,
En rythme des ascèses de ma vie
Voix qui vibre en électrique
Les cellules et les atomes ouvrent les projectiles
De l'immense grandiose.
Les atomes qui furent miens me détachent
Et me fuient plus de matière aux électriques rythmes infernaux
Des gueux qui se révoltent.

Vision sphérique mais l'autre l'idéal bien haut
Flashé. Me propulser jusqu'à bras du non-mortel de l'infini
Espace ocellé. Là-bas bien plus haut où chaque geste passe
D'un espace à un autre... Le temps qu'on enterre le temps.
Vision désertique des brumes phosphorescentes de la pourriture
Du terrestre réel.

Combat d'éphèbe musclé sous le regard amoureux
Des eunuques et la nymphe m'ouvre de ses grands yeux pénétrants
Ses lèvres ravies. La nymphe m'apporte au-delà du dieu son frère
Et Métralque jouit et s'endort. Les trompettes s'éclatent des
Cônes érigés dans les flashes lumineux. Les pyramides de
Louxor à celui de Paris Hugo éclatent et explosent le firmament
Synthétique.










BLANC

Rien à dire face au blanc qui d'horreurs en aurores
Se couvre de mauve en Maude qui se prélasse calme
Dans le supplice des monstres appétissants qui ornent
Les rues
Les rues crient larmes c'est comme les mots qui
Tombent sur Babylone l'ancienne et pour que Lesbos
S'étire sur le drap d'où m'est née sur mes flancs
En dérive
L'encre bleue déchire les fonds marins du port de
Mon âme mise à nue sur les voyages raisonnant de
Pleurs et de peur du bonheur presque gratuit
TRÊVE

La nuit se retrouve ma solitude
Je plonge à la longue béatitude
D'un univers de noir seul sont rares
Et je me sais guettée du haut des beffrois
De béton que creuse mal le blafard
La nuit se retrouve ma solitude

Je plonge à la longue béatitude
Des calmes soirées douces des habitudes
Je me sens partir la folie du rêve
S'empare bien vite d'un tel navire
Revivre ma journée mais le temps l'achève
Il me commande et sur d'autres caps Vire
Je plonge à la longue béatitude
Les calmes soirées douces des habitudes
L'on m'emmène et m'égare à sa servitude
Temps mon maître vers quels sublimes horizons
Me déposeras-tu demain ? Je l'attends le sais-tu ?
Le nouveau qui me ronge et poison
Tu m'as aujourd'hui à l'amour vaincu

J'ai désiré j'ai vécu que n'ai-je de répit
Mais le rêve m'enlace doucement en dépit
Du sommeil qui me fuit pour ailleurs mourir
Le désert se peuple de femmes orientales
Dont les yeux dans les miens sonnent les sourires
Je songe à leur corps torride de socles de métal
Je nage dans l'eau voluptueuse recouverte
Et je plane dans ses visions enchanteresses
Qui m'accablent et des souvenirs causent leur perte
Et les dieux me parlent de mots de caresses
Et je suis heureuse à demain
IL Y A MOI QUI T'AIME

Il y a moi
Il y a moi qui t'aime
Qui t'aime plus que moi
Que moi que tu aimes
Que tu aimes sans effroi
Sans effroi ni haine
Ni haine pour un coeur adroit
Adroit dans l'amour peine
Peine du regard droit
Droit en mon coeur qui saigne
Bavaroise aux résonnances qui feignent
Le retour de l'empereur roi

Il y a moi
Il y a moi qui t'aime
Comme aiment les déesses
Ô toi fourvoyée
Et retrouvée sur mon corps
Il y a moi
Il y a moi qui t'aime
Ô mon amour mon éternel
Femme de vingt ans
Tes cheveux longs
M'apprennent le peuple Kabyles
Ton corps voyageant par le mien
Je ressens tes vagues suaves
Aux flux et au reflux
De mer Caraïbe

Je t'aime ô mon amour
Je t'aime ô mon amour
Je t'aime amour


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